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Chasse et braconnage

« Oui nous sommes solidaires avec l’oiseau englué »

« Oui nous sommes solidaires avec l’oiseau englué »
Le Monde.fr | 01.03.2016 à 17h07 • Mis à jour le 02.03.2016 à 09h42

Par collectif
« Nous pourrons être fiers de ce vote, car il signifiera que, tout en admirant les réalisations parfois extraordinaires de l’intelligence humaine, nous donnons la priorité à la conservation de la nature, c’est-à-dire au monde prodigieux des plantes et des animaux ».
Ainsi s’exprimait le député Roland Boudet dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, lors du vote historique de la première loi française sur la protection de la nature. C’était il y a 40 ans, en avril 1976. À l’époque, les parlementaires eurent le courage d’affirmer qu’il n’était plus raisonnable de clouer les chouettes sur les portes des granges pour conjurer le sort, que les terribles pièges à mâchoires devaient s’effacer des campagnes, que le DDT qui rongeait le vivant devait être banni, que les écureuils ne méritaient plus l’agonie et même que l’animal devait être reconnu au titre d’être sensible.
En revisitant les débats qui ont conduit à la promulgation de cette loi, on constate que l’Assemblée Nationale et le Sénat conjuguèrent un esprit d’éthique, retoquant les conflits de partis. Le sénateur Pierre Croze parla alors de « magnifique esprit de collaboration ».
Aujourd’hui, la nature se présente à nouveau dans l’hémicycle. Elle invite les parlementaires, comme leurs prédécesseurs, à l’accueillir avec compassion. À considérer les fantastiques potentialités qu’elle nous offre dès lors que nous assumons nos devoirs à son égard.
Aujourd’hui, il faut entendre les 320 000 citoyens qui ont signé la pétition visant à suspendre le piégeage de nos oiseaux familiers avec de la glu, tradition d’un autre temps. Oui nous sommes solidaires avec l’oiseau se débattant et tentant de s’arracher les plumes pour se libérer.
Aujourd’hui, nos parlementaires peuvent dire qu’il n’est pas acceptable de détruire des mammifères alors qu’ils donnent la vie et élèvent leurs jeunes. Oui nous compatissons avec les jeunes blaireaux agonisant de faim au fond d’un terrier dévasté par le déterrage des chasseurs.
Aujourd’hui, nos parlementaires peuvent admettre qu’il n’est pas compréhensible que le statut d’être sensible soit reconnu pour l’animal domestique alors qu’il ne pourrait l’être pour l’animal sauvage. Un chat éprouverait la douleur et pas un lynx ? Un canari souffrirait mais pas un chardonneret ?
Aujourd’hui, nos parlementaires peuvent considérer que les DDT d’hier sont les néonicotinoïdes d’aujourd’hui, des pesticides extrêmement nocifs. D’autres amendements tirent les consciences vers le bas. Ne restons pas indifférents. Faire reculer la souffrance animale ne relève ni du dogmatisme, ni de la sensiblerie, mais tout au contraire, d’une éthique élémentaire et progressiste. En ce début de XXIe siècle, nos parlementaires sont confrontés, comme le furent leurs prédécesseurs, à un choix déontologique qui ne s’inscrit ni à droite, ni à gauche, mais seulement au cœur de leur conscience. Nous comptons sur eux pour que cette loi biodiversité ne soit pas dénaturée et s’impose, elle aussi, dans l’histoire.

Les signataires de cette tribune sont Allain Bougrain Dubourg (président de la Ligue pour la protection des oiseaux), Sandrine Bélier (ancienne eurodéputée), Elisabeth de Fontenay (philosophe et essayiste), Aymeric Caron (journaliste), Boris Cyrulnik (psychiatre et psychanalyste), Franz Olivier Giesbert (éditorialiste et écrivain) et Frédéric Lenoir (philosophe et sociologue)

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