Comptage des nids de goélands au Grand-Rouveau

Mercredi 6 avril, à l’invitation de Mme Paule Zucconi-Gil, coordinatrice de l’animation et garde littorale de l’archipel des Embiez, quatre membres du groupe local LPO,  François-Marie, Jean-Claude, Jean-Marc et Laurent se retrouvent tôt le matin à bord d’une solide embarcation dans le port de  La Coudoulière pour une mission de comptage des nids de goélands sur l’île du Grand-Rouveau. La mer est calme, le vent nul ce qui nous offre une traversée sans encombre. Cette île est la dernière île de l’archipel, à la pointe extrême de la baie de Six-fours.  Située au milieu d’une zone Natura 2000, elle est la propriété du Conservatoire du littoral qui en a confié la gestion à la ville de Six-Fours.

Le Goéland leucophée dont il est question ici, le célèbre gabian des provençaux, le Larus Michahellis des naturalistes, est la sous-espèce méditerranéenne du Goéland argenté. C’est un oiseau marin du littoral, commun sur nos côtes, mais également présent très loin à l’intérieur des terres hors période de nidification. D’une envergure pouvant atteindre 1,50 m, Il est caractérisé par des pattes jaunes et un bec orange vif et fort, marqué d’une tâche circulaire rouge qu’instinctivement les petits frappent de leur bec pour obtenir de l’adulte la régurgitation de la nourriture stockée dans le jabot. Ils acquerront leur plumage d’adulte, donc leur maturité sexuelle au bout de quatre ans.

Le gabian niche en colonies, à même la terre entre les rochers, les galets et les buissons. Dans un creux gratté au sol, il construit un nid rudimentaire fait d’un assemblage d’herbes, de branchettes, d’algues et de débris divers. Il pond, de fin-mars à avril,  2 à 3 œufs de 70 mm, gris clair ou verdâtres tachetés de sombre. L’incubation dure 25 jours. C’est cette période qui est choisie pour procéder au comptage. Plus tard, après l’éclosion, les adultes deviennent agressifs envers les intrus ce qui pourrait rendre l’opération plus délicate.

L’île du Grand-Rouveau est formée de rochers schisteux, surmontés par un phare (aujourd’hui automatique) à 40 m au-dessus des flots, entouré d’une végétation basse et arbustive assez dense par endroits. La côte est très découpée, sur une mer d’une limpidité cristalline qui laisse entrevoir de magnifiques fonds d’algues multicolores. Après avoir partagé l’île en secteurs de recherche, nous nous déplaçons lentement dans ce bush pour découvrir les nids tout en essayant de tous les repérer et aussi de ne pas écraser d’œufs. Comme prévu, les nombreux adultes manifestent leur mécontentement par des cris aigus sans cependant nous agresser. Après trois heures de progression, la superficie de l’île est pratiquement toute prospectée à l’exclusion de falaises inaccessibles sur la côte sud. Le bilan fait état de quelque 120 nids occupés et de 280 œufs environ ; la comparaison avec le dénombrement des années précédentes nous donnera la tendance de l’évolution de l’espèce sur l’île.

Il est temps de regagner un petit refuge en contrebas du phare pour rejoindre d’autres membres de la garde littorale autour d’un excellent repas offert pas nos hôtes devant un panorama marin à couper le souffle. C’est l’occasion d’échanges chaleureux et cordiaux avec nos amis îliens sur l’efficacité de la protection des fonds marins, la sauvegarde du patrimoine naturel et de découvrir la mission quotidienne de police des gardes, plus axée sur la persuasion et l’éducation des nombreux visiteurs de l’archipel que sur la répression. Le moment est venu de rejoindre l’embarcadère par un sentier pentu laissant entrevoir une population étonnamment abondante de papillons multicolores et de lézards des rocailles. Un Bombard confortable nous ramène rapidement au port où nous prenons avec gratitude congé de nos amis, tout éblouis par cette journée loin du bruit et de l’agitation du continent.

Laurent Mifsud