Et oui, c’est à la fois une bière bien connue des habitants du Verdon et avant tout, l’un des serpents les plus rares de France. La célèbre brasserie Cordoeil n’est pas restée indifférente à sa présence dans ses montagnes en lui dédiant une bière forte façon Abbaye. Tel un venin à 8° d’alcool, elle devient dangereuse après plusieurs morsures consécutives !
Pas d’inquiétude, la Vipère d’Orsini, comme tous les serpents, ne cherche jamais à mordre l’homme sauf pour se défendre si elle se sent menacée mais c’est très rare. Rare est plutôt l’une de ses principales caractéristiques en France. Seulement une poignée de petites populations isolées occupent quelques prairies d’altitude du sud-est. Secrète et discrète, elle entraîne de nombreux scientifiques, naturalistes, photographes ou simples passionnés dans son sillage (carte d’identité de l’espèce ici).
Si vous habitez la Provence, à mi- chemin entre la Méditerranée et les Alpes, près de crêtes pelées suspendues entre mille et deux milles mètres d’altitude, vous êtes peut-être tout proche d’une de ces populations. Pour le savoir, il faut se rapprocher des herpétologues (spécialistes des reptiles et amphibiens) régionaux du Conservatoire d’Espaces Naturels et de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, ce sont sans doute les mieux placés pour en parler. Ils pilotent des actions de conservation, d’amélioration de la connaissance et des suivis scientifiques en faveur de cette vipère. Avant tout passionnés, ils organisent aussi des animations, rencontres et formations à destination du grand public pour quiconque souhaite découvrir les reptiles.
Du 9 au 13 septembre, les membres du Groupe local LPO Verdon étaient invités à participer à un inventaire Vipère d’Orsini sur la montagne du Thiey (Alpes Maritimes). Un programme de suivi initié par la LPO PACA et étalé sur quatre années pour mieux connaître et protéger cette espèce emblématique. Des bénévoles sont souvent les bienvenus sur ce type d’action afin d’améliorer les résultats tout en s’initiant à de nouvelles pratiques. Deux d’entre nous ont répondu présent.
Il s’agit de prospecter une zone d’étude appelée “CMR” pour Capture Marquage Recapture. Situé à 1200m d’altitude, elle requiert toutes les exigences pour séduire notre Vipère d’Orsini : milieu ouvert, pelouses rocailleuses, multiples affleurements rocheux, lavandes, genévriers, graminés riches en orthoptères, peu d’activités humaines et de la chaleur !
La consigne : marcher lentement et observer attentivement le sol afin de trouver des serpents. Le signaler ensuite aux spécialistes qui opéreront la capture pour ensuite collecter plusieurs données sur place : leur poids, leur taille, leur condition, leur croissance ou tout autre particularité, ils sont enfin marqués et relâchés rapidement. Les mues et toutes les autres espèces de reptiles observées sont aussi répertoriées et analysées précieusement.
Grâce à l’accompagnement et la bienveillance d’experts, nous avons découvert un autre monde, un autre univers, à nos pieds ! Le partage de leurs connaissances et leur savoir-faire nous a en effet permis de décrypter beaucoup de choses. L’identification des individus basé sur des critères précis permet de reconnaître si c’est un jeune, un adulte, un mâle, une femelle, si elle est gestante ou non, si elle a mis bas récemment, si il ou elle a des proies en digestion, etc. La lecture des comportements est aussi très riche, pourquoi est-il sur cette pierre orientée face aux derniers rayons du soleil ? Sans doute pour capter de la chaleur, se réchauffer et rester vif pour se défendre en cas d’attaque.
C’est fascinant de se rendre compte qu’ils sont là, parmi nous, qu’ils vivent eux aussi, qu’ils chassent, qu’ils se nourrissent, qu’ils se reposent, qu’ils se déplacent ou qu’ils composent avec la météo pour organiser leur journée. C’est aussi déroutant de se rendre compte de la réalité : les serpents sont des animaux craintifs. Ce ne sont pas des animaux si dangereux pour l’homme comme on voudrait nous le faire croire, pas plus dangereux qu’un hérisson ou un rouge gorge, nous en sommes maintenant convaincus !
Avec toutes les données collectées depuis plusieurs dizaines d’années, on sait que les Vipères d’Orsini, comme beaucoup d’autres reptiles, sont en train de disparaître en France et ailleurs. Les activités humaines et le changement climatique qui en découle en sont les responsables.
Grâce à cette expérience, nous sommes maintenant capables de détecter un habitat favorable à cette espèce, en mesure de la rechercher, de signaler sa présence ou d’alerter sur de potentielles menaces. Une manière de savourer encore plus une Orsini bien fraîche mais surtout un moyen de participer à la protection de cette vipère à notre échelle de passionné. Merci Nico, Oscar et Vincent !