En cette journée d’hiver, le vent souffle fort sur la route du sel. Alors que les goélands semblent jouer avec le vent, immobiles et les ailes déployées, un oiseau noir et blanc flotte tel un bouchon au milieu des vagues dans le golfe de Giens. Il ne semble en rien dérangé par la houle. Tout à coup il plonge et disparaît de la surface... Une vingtaine de secondes plus tard, le voilà qui réapparaît à quelques dizaines de mètres de là. C’est le Pingouin torda... Vraiment ? Un pingouin à Hyères ? Difficile de croire que l’on puisse observer des pingouins sous nos latitudes. Et pourtant...
Qui est-il ?
Avec ces 40 centimètres de long pour une envergure de 60 à 70 cm et un poids oscillant entre 500 et 750 grammes, le Pingouin torda est un oiseau de taille moyenne, d’aspect rondelet et assez dense. Le dos, la nuque, et le dessus des ailes sont noirs, contrastant nettement avec les aisselles, le ventre et la poitrine d’un blanc immaculé. Une fine barre blanche souligne le bord de fuite de ses ailes. En période nuptiale, sa tête est entièrement noire, mais l’hiver, ses joues et son cou deviennent blancs. Le bec, noir, épais et massif est parcouru par une fine ligne blanche qui se poursuit jusqu’à l’œil, sombre lui aussi. Enfin, le bec est comme rayé par de fines bandes blanches. En vol, la queue pointue et relativement longue masque ses pieds. Les battements d’ailes sont rapides et la trajectoire rectiligne, toujours au ras de l’eau.
S’il semble se déplacer avec difficulté sur la terre ferme, le Pingouin torda, présente d’extraordinaires aptitudes à la vie aquatique. Ses ailes lui permettent non seulement de voler, mais aussi de se déplacer sous l’eau avec une rapidité et une agilité déconcertante. Grâce à sa forme hydrodynamique et ses pattes palmées situées bien en arrière du corps, il se propulse, telle une torpille. Il plonge en moyenne à 30m de profondeur (mais le record de profondeur enregistré est de 120m !). À la différence des Sternes ou du Fou de Bassan, il ne plonge pas depuis les airs, mais s’immerge depuis la surface. Son régime alimentaire se compose essentiellement de petits poissons, qu’il capture lors de pêches en mer. Les adultes sont d’ailleurs capables de stocker plusieurs poissons lors d’une même pêche en les coinçant dans leur bec.
Comme tous les oiseaux marins, le Pingouin torda passe la majeure partie de sa vie en mer, et ne revient sur terre qu’au moment de la reproduction. Il niche sur des corniches littorales souvent avec d’autres espèces d’Alcidés comme les Guillemots. L’œuf unique est pondu et couvé à flanc de falaise. Il est piriforme (en forme de poire), afin d’éviter qu'il roule et tombe de la falaise. En Europe, le Pingouin torda niche sur les côtes continentales et insulaires de Grande-Bretagne, d’Islande, de Scandinavie et de France. Une population relique d’une vingtaine de couple à peine niche encore en Bretagne, alors que l’on en comptait 500 dans les années 60. Ce déclin lui vaut la triste médaille de l’oiseau marin le plus menacé de France. Les captures accidentelles dans les filets de pêche et les pollutions aux hydrocarbures (marées noires...), véritable fléau pour l’espèce, sont responsables de cette régression et constituent les principales menaces qui pèsent sur lui.
En hiver, le Pingouin torda est plutôt grégaire. Il quitte ses sites de reproduction et vient passer la mauvaise saison au large de nos côtes (Atlantique, Manche et Méditerranée) où il forme des petits groupes comptant parfois jusqu’à quelques dizaines d’individus.
Pingouin – Manchots, quelles différences ?
Il y a bien des Pingouins en France. La confusion est fréquente avec les manchots, mais Pingouins et Manchots sont bien différents en de nombreux points. Le pingouin torda fait partie de la famille des Alcidés, à la différence des Manchots qui eux, font partie des Sphéniscidés. On ne les rencontre pas non plus aux mêmes endroits du globe. Les Pingouins tordas vivent dans l’hémisphère nord, alors que les manchots fréquentent exclusivement l’hémisphère Sud (des banquises d’Antarctique aux plages de l’Australie, d’Afrique du Sud et d’Argentine). Enfin, autre distinction et non des moindres, le Pingouin torda vole alors que les manchots en sont incapables. La confusion entre les deux vient en fait de l’anglais, puisque dans la langue de Shakespeare, manchot se dit « penguin ».
Pour le voir :
C’est en Hiver (entre octobre et mars) que vous aurez le plus de chance de croiser le Pingouin torda à Hyères. Il est parfois visible depuis le bord de mer, notamment depuis la presqu’île de Giens ou dans la baie de l’Almanarre. Peut-être aurez-vous la chance de l’apercevoir depuis la route du sel lors de balades ornithologiques organisées par la LPO. La prochaine aura lieu ce dimanche 31 janvier après-midi. Réservation obligatoire et renseignements au 06.80.69.45.78.