Le marais est couvert d’une légère brume en ce matin de janvier. Quelques Canards colverts, s’agitent en bordure des roseaux fouillant les massifs de ruppie à la recherche d’invertébrés et de graines. Deux silhouettes semblent appartenir à une autre espèce. Leur long cou, leur queue pointue et démesurée sont assez caractéristiques. Avec la dissipation des nappes de brouillard, nous pouvons maintenant observer aisément un magnifique couple de Canard pilet, en provenance de Scandinavie, venu passer l’hiver sous des latitudes plus clémentes.
Qui est-il ?
Avec sa cinquantaine de centimètres et ses 700 grammes, le Canard pilet est un canard de surface très reconnaissable, notamment le mâle, à son allure svelte, son long cou, sa longue queue pointue d’une dizaine de centimètres et son plumage nuptial unique. La tête et le cou du mâle sont brun chocolat avec une raie blanche remontant de la poitrine blanche vers la tête. Le bec est bleuté. Son dos est gris, barré de plusieurs flammèches sombres. La femelle comme chez beaucoup d’anatidés est de couleur fauve, mouchetée de sombre mais facilement reconnaissable à sa silhouette si particulière et sa queue pointue. Cette coloration discrète lui permet de se dissimuler aisément lors de la couvaison.
Le Canard pilet n’est pas un canard « brouteur » comme peut l’être le Canard siffleur. En effet, il consomme des graines de céréales de petites tailles comme le sarrazin, des graines ou des fragments de plantes aquatiques comme le potamot ou les salicornes. Il peut se nourrir également d’invertébrés aquatiques (insectes, mollusques, crustacés), de quelques amphibiens et de petits poissons. Cette plasticité lui permet de fréquenter autant des milieux maritimes, que des milieux d’eau douce en hivernage. Sa ration journalière de matière sèche est de l’ordre de 80 grammes, ce qui implique de longues phases de nourrissage.
En été, il change de comportement est regagne les eaux douces et peu profondes des étangs dont les rives ou les abords présentent une végétation herbacée importante. En dehors de quelques rares cas de nidification dans l’hexagone, les populations nichent exclusivement dans les pays nordiques entre le 60° et le 70° de latitude nord. Sa distribution en tant que nicheur couvre une large bande reliant le continent américain à l’Europe, de l’Alaska jusqu’à la Russie.
Le nid est construit en mai aux abords d’une zone humide dense en végétation et garni de duvet. Un peu moins d’une dizaine d’œufs est couvée durant trois semaines et les canetons ne seront vraiment autonomes qu’à l’âge de quarante-cinq jours. Les mâles délaissent les femelles dès le début de la couvaison, pour se regrouper, muer puis rejoindre le sud de l’Europe, voire même l’Afrique dès la fin du mois d’août. Ils seront rejoints un peu plus tard par les jeunes et les femelles. La France accueille de 12 000 à 18 000 oiseaux chaque hiver et le statut de l’espèce semble s’être amélioré depuis les années 2000 avec une augmentation du nombre d’oiseaux hivernants.
La migration prénuptiale quant à elle, prend part dès le mois de février. Il est d’ailleurs possible de reconnaître les migrateurs en provenance d’Afrique. En effet, ceux-ci sont très souvent couverts sur la poitrine, d’une boue rousse (latérite), que l’on ne trouve que dans les zones humides des climats tropicaux.
La dégradation et la disparition des prairies humides et des vasières intertidales ajoutées à des prélèvements cynégétiques européens importants (de l’ordre de 95 000 et 142 000 oiseaux), sont des menaces à ne pas prendre à la légère quant au devenir de ce magnifique canard.
Pour le voir...
Les zones humides hyéroises accueillent en fonction de la rudesse des hivers, une dizaine d’hivernants. Afin de mettre toutes les chances de votre côté pour l’observer, des sorties nature dans les salins de Hyères sont organisées par la Ligue pour la Protection des Oiseaux en partenariat avec la Communauté d’Agglomération Toulon Provence Méditerranée. Peut-être aurez-vous l’occasion de faire sa connaissance en compagnie de spécialistes des oiseaux. La prochaine sortie est prévue le 18 janvier à 08h45 aux Salins des Pesquiers. Pour réserver votre place, contactez le 04 94 01 09 77.