Quatre associations de protection de la nature, dont la LPO, saisissent à nouveau la plus haute juridiction administrative française pour contester les insuffisances des mesures gouvernementales de protection des cétacés dans le Golfe de Gascogne.
Dans une décision historique rendue le 20 mars 2023 à la suite d’un recours de France Nature Environnement (FNE), Sea Shepherd France et Défense des Milieux Aquatiques (DMA), le Conseil d’État avait enjoint au gouvernement de mettre en place dans un délai de 6 mois des fermetures spatiales et temporelles des pratiques de pêche responsables des captures de dauphins dans le Golfe de Gascogne. Le Secrétariat d’État a donc pris l’arrêté du 24 octobre 2023 établissant des mesures visant la réduction de la mortalité des mammifères marins causée par les engins de pêche.
Les associations requérantes, accompagnées par la LPO, s’en remettent aujourd’hui à la justice pour faire reconnaître l’inefficience de ces mesures gouvernementales, considérant que les dérogations mises en place et financées par l’État, vont en fait permettre à de très nombreux navires concernés de continuer à pêcher comme d’habitude sans épargner le moindre dauphin.
Depuis des années, des milliers de dauphins et de marsouins meurent après avoir été capturés par des filets de pêche dans le Golfe de Gascogne. Les chercheurs de l’observatoire Pelagis du CNRS estiment que pour 1000 échouages constatés en moyenne chaque hiver sur le littoral atlantique français, entre 5000 et 10000 cétacés périssent en mer. Le dauphin et le marsouin communs sont désormais menacés de disparition à l’échelle régionale en dépit de leur statut légal d’espèces protégées.
Un décret insuffisant au regard de la réalité scientifique
Les scientifiques du Conseil International de l’Exploration de la Mer (CIEM) ont établi les conditions minimales pour réduire significativement les captures et garantir la survie des dauphins : une fermeture de quatre mois des pêcheries à risques (trois mois en hiver et un mois en été) dans l’ensemble du Golfe de Gascogne, et l’équipement obligatoire des chalutiers avec des dispositifs de répulsion acoustique («pingers») le reste de l’année.
Or le texte adopté n’instaure qu’une fermeture d’un mois (de mi-janvier à mi-février). En outre, cette mesure ne s’appliquera pas aux bateaux de moins de 8 mètres (17% de la flotte de pêche) ni à ceux équipés de répulsifs acoustiques, dont l’efficacité n’est pas démontrée, ou de caméras embarquées, sans effet sur la mortalité des cétacés.
Nos associations saisissent donc le Conseil d’Etat pour demander l’application stricte des mesures préconisées par les scientifiques et plébiscitées par l’immense majorité des citoyens lors de la consultation publique. Le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA), permet d’indemniser les pêcheurs dans le cadre de la mise en place de périodes de fermetures liées à la conservation d’espèces menacées.
L’arrêté du gouvernement pérennise l’agonie des dauphins, accompagnée de souffrances inacceptables. Il est temps d’en finir avec les arrangements en eaux troubles. La science et le droit doivent imposer la raison.
Allain Bougrain Dubourg
Président de la LPO