La Cour d'Appel d'Aix‐en‐Provence a malheureusement modifié, mardi 30 avril, le jugement du tribunal correctionnel de Marseille en relaxant la société SDS navigation SRL et le capitaine du navire Michele De Fina condamnés en première instance pour pollution par hydrocarbures. Les parties civiles, France Nature Environnement (FNE) PACA, Surfrider Foundation Europe et la Ligue pour la Protection des Oiseaux sont déconcertées par l'argumentaire de la juridiction.
Une trace de 22 km de longueur en zone spéciale: de l'eau de lavage de pont!
Malgré le classement de la mer Méditerranée en zone spéciale en raison de sa vulnérabilité aux pollutions maritimes, le SDS Rain, un cargo battant pavillon italien, a été surpris, le 22 avril 2010, avec une nappe de 22 km de long sur 50 mètres de large dans son sillage. Au moment des faits, il se trouvait à seulement 18 kilomètres des côtes françaises.
L'essentiel du procès reposait sur l'identification de la substance composant la nappe. Les prévenus ont semé la confusion en insistant sur le fait que leur équipage procédait à un lavage de pont au moment du constat. Par conséquent, la trace détectée par l'avion des douanes serait selon eux du feldspath de sodium1, résidus de la dernière cargaison rejetés à la mer conséquemment à ce lavage de pont.
Pour les parties civiles, il n'y a pourtant pas de doute, ce sont bien des hydrocarbures. En effet, l'expert des douanes qui a analysé les photos est formel: « le rejet dans le sillage du SDS
Rain est tout à fait typique du comportement de l'hydrocarbure. Les photos montrent sans aucune ambiguïté que nous avons une pollution par hydrocarbure ».
La Cour d'appel s'est laissée convaincre par les arguments de la défense reposant sur un bon entretien du navire et des photos montrant l'équipage en train de laver le pont, pour balayer
l'expertise qui elle, ne laisse aucun doute sur la présence d'hydrocarbures épais dans le sillage. Les parties civiles n'accordent, quant à elles, que peu de crédit à ces arguments régulièrement avancés par la défense dans ce type de procès.
Incompréhensible retour en arrière dans la répression des dégazages sauvages en mer Méditerranée.
C'est la deuxième fois qu'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence prend ses distances par rapport à la volonté du législateur de mener une politique répressive dissuasive à l'égard des
pollueurs des mers.
Pour Jean‐Louis Banès, pilote du réseau littoral de FNE PACA « Cette arrêt est une grande déception pour FNE PACA. La mer Méditerranée représente seulement 1 % des mers du monde et concentre 30% du trafic maritime mondial. La course à l'économie conduit ces nombreux navires à des dégazages chroniques en mer Méditerranée et dégradent ainsi la qualité de l'eau impactant les espèces marines spécifiques, telle que la posidonie par exemple. Pour réduire ce risque de rejet, FNE PACA soutient notamment la consommation de produits locaux en circuits courts. »
Pour Gilles Viricel, Président de la LPO PACA « Nous sommes consternés par la décision de la cour d'Appel d'Aix en Provence. Mais que faut‐il donc apporter de plus comme preuve pour démontrer un dégazage en pleine mer ? Malgré ce signal négatif à destination de toutes les personnes qui se mobilisent pour la surveillance et la protection des écosystèmes marins, nous sommes persuadés qu'il sera de plus en plus difficile pour les voyous des mers de passer à travers les mailles du filet. La technologie aidant et avec des moyens de surveillance accrus, ils seront, de plus en plus souvent, pris la main dans le sac, traînés en justice et nous espérons sincèrement que les tribunaux finiront par leur faire payer le prix fort, aucune peine n'étant assez dure à nos yeux eu égard à ces crimes écologiques qu'ils commettent.
La LPO PACA est très affectée par cette décision de justice mais le combat pour la protection de la vie marine ne se termine pas à cette désillusion »
Selon Antidia Citores, juriste de Surfrider foundation Europe « Contrairement aux poncifs répandus, le nombre de dégazages n'est pas en chute libre en Méditerranée bien que l'on constate une diminution des rejets illicites de jour. Les voyous des mers avaient déjà l'audace de tenter de passer à travers les mailles du filet de la surveillance maritime, désormais cette décision nourrit leur espoir de passer entre les mailles du filet de la justice. »
Malgré ce positionnement décourageant de la Cour d'Appel d'Aix en Provence, les associations continueront de lutter ardemment contre les pollutions chroniques maritimes. A chaque échelle de territoire les associations du réseau FNE veillent au respect des lois et règlements pour que le droit de vivre dans un environnement sain soit une réalité.
Contacts presse :
Céline Bronzani, juriste FNE‐PACA : 06 12 88 59 88
Antidia Citores, juriste Surfrider Foundation Europe : 06 32 68 90 36
Macha Marchal, assistante de direction et vie associative de la LPO PACA: 04 94 12 79 52