Quelque part en presqu’île de Giens, un oiseau très discret malgré son corps trapu et sa coloration rouge orangé, émet des « diou » mélancoliques dans le haut d’un arbre. Il est pourtant difficile de croire que cette boule colorée est un oiseau et non un fruit mur oublié. Un mâle de Bouvreuil pivoine trône fièrement sur une branche du jardin, alors qu’une femelle passée jusque-là inaperçue, le rejoint. Cette espèce exceptionnelle sur le littoral varois, ne se contacte dans la région que dans les forêts d’altitudes notamment sur les contreforts des Alpes. Avec les invasions de Mésanges noires et de Grosbec casse-noyaux dont nous vous parlions les semaines précédentes, c’est une nouvelle espèce inhabituelle qui fait son apparition avec deux oiseaux bagués récemment à Hyères.
Qui est-il ?
Le Bouvreuil pivoine est une espèce que l’on ne peut confondre. C’est un gros fringille d’une quinzaine de centimètres pour un poids de 25 grammes. Sa grosse tête ronde est noire pourvue d’un gros bec de la même couleur, court et conique. Le mâle a les joues rouge-rose, le dos gris, le croupion blanc, contrastant avec la queue noire. Les ailes sont noirâtres avec une barre alaire gris claire. Il arbore des parties inférieures rouge-rose unique dans l’avifaune européenne avec un bas-ventre blanc. La femelle quant à elle, est beaucoup plus terne avec la poitrine et les joues d’un gris brun, ce qui lui procure un camouflage très discret à l’inverse de son compagnon.
Le Bouvreuil pivoine occupe une grande partie de la France, à peu près 54% des mailles prospectées durant l’Atlas des oiseaux nicheurs de 2012. Ses bastions sont situés sur les massifs montagneux des Alpes, des Pyrénées, du Massif central, du Jura ou des Vosges. On le retrouve également sur la moitié nord de la France, au-dessus d’une bande reliant le Finistère au Bas-Rhin. Ses milieux de prédilection sont les marais boisés, les vallons humides boisés des îles bretonnes (Ouessant), les ripisylves mais aussi en altitude les peuplements de résineux, de feuillus avec un sous-bois dense. Ailleurs en Europe, on le retrouve dans les forêts tempérées et boréales des îles britanniques à l’ouest, jusqu’à la mer d’Okhotsk, le Kamtchatka et le Japon à l’est.
Espèce plutôt placide et peu querelleur, le Bouvreuil pivoine est une espèce peu farouche qui autrefois faisait le bonheur des oiseleurs qui le capturaient dans leurs pièges en l’imitant. Il résiste bien aux rigueurs de l’hiver en s’alimentant de graines diverses comme les samares (graines ailées) que produisent les érables, les charmes, les tilleuls, les frênes mais aussi des graines d’aulne, de boulot, ou celles tombées au sol des mélèzes et des sapins. Les baies de sorbier, de viorne, d’alisier, ou de sureau sont également des mets de choix. Les plantes herbacées quant à elles, lui fournissent également un régime alimentaire diversifié : pissenlit, armoise, chénopodes, séneçon etc. Enfin, il apprécie particulièrement les bourgeons de divers arbustes fruitiers comme les pruniers, les abricotiers, les cerisiers etc.
C’est en mars et en avril, que le Bouvreuil pivoine nidifie. Le nid est situé entre un et deux mètres de hauteur sur les branches horizontales d’un résineux ou d’un épineux. La femelle pond de 4 à 5 œufs, qu’elle va couver durant environ 14 jours. Les jeunes sont nourris de petites graines mélangées à des invertébrés, notamment des araignées et des insectes. Ils quitteront le nid une vingtaine de jours après l’éclosion.
Plutôt sédentaires, les Bouvreuils pivoines français n’effectuent guère de longues migrations, tout au plus ils réalisent un peu d’erratisme ou quelques migrations altitudinales. Ces déplacements sont souvent liés à la disponibilité en ressources alimentaires. Les populations d’Europe du nord et centrale quant à elles, sont plus enclin à migrer avec notamment des invasions vers l’est de la France.
Les effectifs français sont estimés dans une fourchette de 100 000 à 200 000 individus et montrent un fort déclin depuis les années 80, principalement dû aux changements de structure des forêts, l’intensification de l’agriculture et sans doute les changements climatiques.
Pour le voir…
Le Bouvreuil pivoine est une espèce rare sur le littoral varois et sur les salins d’Hyères. Suite à un petit afflux en ce début d’automne, c’est le moment idéal pour le rechercher. Afin de mettre toutes les chances de votre côté pour l’observer, des sorties nature dans les salins de Hyères sont organisées par la Ligue pour la Protection des Oiseaux en partenariat avec la Communauté d’Agglomération Toulon Provence Méditerranée. Peut-être aurez-vous l’occasion de faire sa connaissance en compagnie de spécialistes des oiseaux. La prochaine sortie est prévue le 16 novembre à 09h00 aux salins des Pesquiers. Pour réserver votre place, contactez le 04 94 01 09 77.