Nous, syndicats et associations interpellons le 1er Ministre Edouard Philippe, le Ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, le Ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin, la Présidente de la Commission développement durable de l’Assemblée Nationale Barbara Pompili, Hervé Maurey Président de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et l’ensemble des parlementaires : la transition écologique nécessite des moyens supplémentaires. Ce n’est pas en asséchant les Agences de l’Eau que la France tiendra ses engagements dans les domaines de l’eau et de la biodiversité.
Les agences de l’eau sont au cœur de la politique de l’eau en France : grâce aux redevances perçues sur les différents usages de l’eau, elles subventionnent des projets de préservation de la ressource en eau et des milieux aquatiques. En 2016, leur mission a été étendue à l’ensemble de la biodiversité. Elles sont donc appelées à jouer un rôle majeur dans la réalisation de l’objectif de reconquête de la biodiversité défini par la loi et les engagements internationaux de notre pays.
Ce système des agences de l’eau a montré son efficacité ; il est d’ailleurs reconnu au niveau international comme modèle de gestion.
Pourtant, avec le projet de loi de finances 2018 les six agences de l'eau sont placées sous une contrainte budgétaire telle que leurs capacités d'interventions humaines et financières auprès des acteurs économiques, des collectivités locales et de la société civile sont sérieusement menacées, et qu’il leur sera difficile de prendre effectivement en charge leurs nouvelles missions. Alors que nous avons parcouru seulement un tiers du chemin vers les objectifs de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau, on s’achemine dans les trois prochaines années vers une réduction drastique des subventions pour les territoires. Cette situation a provoqué dès le mois d’août une interpellation du Ministère par les sept Présidents des Comités de Bassin.
D’autre part, les ambitions de la récente loi pour la reconquête de la biodiversité dépendent des moyens supplémentaires qui sauront être mobilisés.
Des solutions existent pour préserver l’outil de solidarité territoriale au service de l’environnement que sont les agences de l’eau. Elles sont essentiellement d’ordre législatif. C’est pourquoi nous en appelons au soutien des françaises et des français et de leurs élus pour obtenir des parlementaires et du gouvernement les modifications suivantes :
- Maintien du système de gestion de l’eau et de la biodiversité aquatique par bassin versant : association d’un Comité de Bassin pour la gouvernance et d’une Agence de l’Eau pour la mise en œuvre à l’échelle de chaque bassin, en coordination avec les collectivités territoriales.
- Transparence pour les usagers de l’eau : autant la facture d’eau doit payer la protection et la restauration des milieux et de la biodiversité aquatique, autant elle ne peut pas payer à la place de l’Etat par exemple le fonctionnement de l’ONCFS et de ses missions de police (soit 37 M€ par an, alors que celui-ci perçoit déjà la taxe cynégétique).
- Suppression définitive du prélèvement automatique de l’Etat sur les redevances (plafond mordant), et de toute ponction budgétaire sur le budget d’intervention des Agences.
- Arrêt des réductions d’effectifs.
- Reconnaissance des personnels par la proposition de dispositions de titularisation adaptées à leur expérience et des conditions de gestion non bloquantes et sécurisées des contractuels.
Une nouvelle taxe basée sur l’artificialisation des milieux est en cours de réflexion ? Très bien : créez d’abord cette taxe pour alimenter les politiques publiques en faveur de la biodiversité au lieu de réduire drastiquement les moyens des Agences de l’Eau.
Eléments d’explication
Réduction des moyens financiers dédiés à l’eau et à la biodiversité :
- Baisse du plafond de recettes des redevances des 11èmes programmes (2019 - 2024) des agences de l’eau à 12,6 Mds €, soit -2,1 Mds € par an. Pour mémoire, ce plafond était de 13,8 Mds € dans la loi de finances 2012 pour les 10èmes programmes.
- Arrêt des ponctions budgétaires « ponctuelles » sur les trésoreries des agences (210M€ en 2014, 175M€ par an en 2015, 2016 et 2017), mais instauration d’un plafond mordant : mécanisme pérenne de ponction budgétaire annualisée sur les redevances payées par les différents consommateurs d’eau. Ce mécanisme devait conduire à un dévoiement des redevances des agences de l’eau vers le budget général de l’Etat de 130 M€ dès 2018. Suspendu il vient d’être remplacé par une ponction budgétaire de 200 M€
- L’Etat abandonne le financement pour charge de service public de l’ONCFS et des Parcs Nationaux et cette charge financière est transférée aux agences de l’eau. Elle vient s’ajouter au financement préexistant de l’AFB pour un montant total de 297 M€ :
- Agence Française de la Biodiversité : 195 millions d’€/an (150 M€ antérieurement)
- Parcs Nationaux : 65 millions d’€/an
- ONCFS : 37 millions d’€/an
Réduction accrue des moyens humains des agences de l’eau
Une réduction supplémentaire de 200 ETP (équivalents temps plein) dans les six agences de l’eau est prévue pour les quatre années à venir (sur un effectif total de 1600 agents). Depuis 2011, les 6 agences de l’eau ont déjà perdu 13% de leurs effectifs, et ce alors que leurs missions ne cessent de s’élargir.
Les suppressions d’emplois chez les opérateurs de l’Etat portent en premier lieu sur ceux du Ministère de la transition écologique et solidaire (- 496 ETP) devant tous les autres ministères. Les agences de l’eau figurent parmi les plus touchés !
Fragilisation des personnels
Les personnels des agences de l’eau sont dans leur immense majorité des contractuels en CDI ; ils bénéficient d’un cadre de gestion dérogatoire, quasi statut défini dans le décret n° 2007-832 du 11 mai 2007 fixant les dispositions particulières applicables aux agents non titulaires des agences de l’eau.
L'une des conséquences de la loi Déontologie votée l'an dernier a été la révision du décret liste de 1984, décret définissant les emplois types et les établissements publics pouvant faire l’objet d’un recrutement contractuel à durée indéterminée. De fait, tous les emplois des agences de l’eau ne seront plus inscrits en annexe de ce décret-liste à compter du 1er avril 2018.
Les conséquences pour les personnels des agences de l’eau sont lourdes : mesures de titularisation inadaptées, quasi-statut figé, mobilité impossible. La carrière des personnels est directement touchée et leur capacité à faire risque d’en pâtir. Depuis près d’un an, les agents se mobilisent pour obtenir une alternative qui permette que l’on reconnaisse leurs compétences et leur implication, et pour pouvoir continuer à exercer leurs missions dans de bonnes conditions.
Des conséquences lourdes pour les acteurs de l’eau et de la biodiversité !
Au total, les six agences de l’eau versent chaque année 1,9 milliards d’euros pour subventionner des équipements et des emplois dans les territoires ; cette contribution des agences génère au total près de 6 milliards d’euros d’investissement, injectés annuellement dans l’économie locale.
Les six agences, ce sont 1 600 emplois directs, 3 000 emplois induits dans la recherche, et plus de 120 000 emplois indirects.
Ces investissements soutiennent des secteurs d’activités locaux et des emplois non délocalisables : bon fonctionnement des stations d’épuration, réfection des canalisations, protection de la ressource en eau et distribution de l’eau potable, lutte contre les pollutions industrielles et agricoles, soutien à l’agriculture biologique... Par ricochet, les agences de l’eau œuvrent également au développement des activités tributaires de la qualité des milieux (baignade et activités nautiques, pêche et conchyliculture).
Protection des zones humides, continuité écologique (reconquête de nos cours d’eau par les grands migrateurs anguilles, saumon, …), revitalisation écologique des cours d’eau, restauration du fonctionnement des lagunes littorales : les six agences de l’eau consacrent chaque année plus de 200 millions d’euros à la biodiversité aquatique, sans lesquels associations et collectivités locales ne pourraient faire.
Elles sont également le fer de lance de l’adaptation au changement climatique.
En conséquence, nous demandons l’abandon des prélèvements sur les redevances des agences de l’eau, et la garantie de la pérennité de leurs moyens pour remplir leurs missions en faveur de la protection de l’eau et de la biodiversité.
Communiqué de presse de la LPO FRance du vendredi 24 novembre 2017