A quelques encablures de l’île de Porquerolles, des troupes de Goéland leucophée s’activent frénétiquement à la surface de la mer. Alors que quelques Grands dauphins apparaissent discrètement près de cette effervescence, l’eau semble rentrer en ébullition sous les éclaboussures des Athérines. Ces petits poissons poussés vers la surface par de nombreux barracudas, pensaient échapper à leurs prédateurs, mais ils finiront pour la plupart dans le bec d’un autre oiseau pélagique. Le Puffin de Scopoli profite, lui aussi, de cette aubaine pour s’alimenter à moindre effort.
Qui est-il ?
C’est un oiseau qui appartient à la famille des Procellariidés qui regroupe de nombreuses espèces pélagiques dont le Puffin yelkouan, l’autre espèce des îles d’Hyères. Le Puffin de Scopoli passe la majeure partie de sa vie en mer, ne rejoignant la terre que pour se reproduire. Avec ses 700 grammes pour une envergure de 1,30 mètres, il a une corpulence hors norme en méditerranée. Il présente des parties supérieures gris-brun sur la calotte, la nuque, l’arrière du cou, le dos, le manteau avec notamment des franges plus claires sur ces deux dernières parties, lui donnant un aspect écailleux. Ses ailes sont un peu plus brunes et on peut voir un croissant blanchâtre sur le bas de son croupion, contrastant nettement avec sa queue noire et courte. Il est pourvu d’un bec jaune orangé de taille respectable, pourvu de narines tubulaires, qui associées à des glandes lui permettent de se débarrasser du trop de sel ingéré. Son vol est très reconnaissable, alternant battements amples et lents, entrecoupés de longs glissés au ras des vagues.
Le Puffin de Scopoli mène donc une vie principalement maritime et pélagique, mais chaque année son instinct le pousse à revenir sur les îles méditerranéennes qui l’ont vu naître. Dès le mois de mars et à la nuit venue, les premiers reproducteurs retrouvent leur terrier attitré, utilisé d’année en année et, pour le défendre contre des individus prospecteurs. Après plusieurs mois d’errance au sud de l’Océan Atlantique, notamment au large de la côte ouest de l’Afrique et de la côte est du Brésil, il entame sa reproduction.
Ce sont les îles et les îlots, disposant de cavités et de terriers peu profonds, localisés dans les falaises ou les amas rocheux qui sont le plus recherchés. Il peut les creuser lui-même ou utiliser ceux réalisés par le Lapin de garenne. Les vocalises autour des colonies sont parfois très bruyantes, et se déroulent en début de nuit. A la fin du printemps, l’accouplement a lieu dans le futur site de nidification.
La femelle pond un œuf blanc unique, dans la dernière décade de mai, à même le sol du terrier, et sera couvé par les deux partenaires durant une période de 52 à 56 jours. Des tours de garde de 2 à 8 jours consécutifs sont assurés alternativement. Le poussin éclot en juillet et sera couvé par un des deux parents durant une semaine entière. Il sera nourri une fois par nuit par un des deux parents, en fonction des ressources alimentaires trouvées durant la journée.
L’envol du jeune se produit au cœur de l’automne notamment durant le mois d’octobre.
Médiocre plongeur, le Puffin de Scopoli est un pêcheur de surface qui profite notamment des bancs de thons ou d’espadons pour cueillir les poissons effrayés. Son régime alimentaire est donc constitué de poissons, mais aussi de calmars et de crustacés pélagiques.
Ce puffin est strictement endémique du bassin méditerranéen avec environ 150 sites de reproduction connus pour une population de 57 000 à 76 000 couples nicheurs dont les trois quarts se concentrent dans le canal de Sicile. La France quant à elle, accueille 840 à 1220 couples, répartis entre les îles de Marseille et celles d’Hyères. La population française présente un statut défavorable, principalement menacée par le Rat noir qui exerce une prédation importante sur les œufs et les poussins ou les chats domestiques capables de capturer des adultes. A cela, s’ajoutent les accidents par les engins de pêche (filets et palangre).