Alors que le conflit en Ukraine présage de graves conséquences pour l’agriculture et la sécurité alimentaire en Europe et dans le monde, les porte-étendards de l’agriculture industrielle cherchent à affaiblir les rares avancées environnementales des politiques agricoles européennes pour pousser leur logique productiviste, justifiant de répondre à une demande alimentaire mondiale.
Il ne leur aura fallu que quelques jours pour s’engouffrer dans la brèche et ainsi intensifier leur lobbying contre la stratégie européenne “De la ferme à la fourchette”. La FNSEA a appelé à son abandon en la qualifiant de “décroissante”. Dans cette même lignée, des représentants politiques, comme Valérie Pécresse ou le Ministre de l’Agriculture, ont demandé la mise en production des 4% de terres en jachères, qualifiées à tort de “non-productives” alors qu’elles sont essentielles à la fertilité des sols et à la biodiversité des milieux agricoles.
Lettre ouverte à Emmanuel Macron
La fragilité de notre agriculture productiviste
S’il est nécessaire de prendre des mesures immédiates pour répondre aux conséquences terribles de la guerre, cela ne doit pas être au détriment des autres enjeux auxquels l’humanité fait face, comme la souveraineté alimentaire des peuples ou l’urgence climatique, rappelée récemment par le GIEC.
La situation actuelle illustre de manière frappante à quel point l’alimentation et l’agriculture européennes, et l’élevage industriel en particulier, sont dépendants des importations : engrais de synthèse et pesticides, fabriqués à partir de gaz et de pétrole en partie importés de Russie, voient leur prix s’envoler. Même constat avec les céréales et les oléagineux importés d’Ukraine pour l’alimentation animale, dont les éleveurs et éleveuses dépendent.
Des choix de société s’imposent
La guerre en Ukraine et ses conséquences nous forcent ainsi à réfléchir aux choix fondamentaux de l’agriculture européenne et de l’accès pour toutes et tous à une alimentation saine et respectueuse de l’environnement. Au-delà des premières mesures d’urgence, nos organisations demandent qu’une véritable transition agroécologique soit mise en marche : c’est la seule compatible avec l’autonomie de nos agriculteurs et agricultrices, et donc avec notre souveraineté alimentaire.
Nous appelons également à un sursaut de la communauté internationale pour prendre des mesures immédiates et de moyen terme adaptées, sous l’égide du Comité de la sécurité alimentaire mondiale. Le G7, qui se réunit exceptionnellement sur le sujet vendredi 11 mars, ne représente que les principaux pays producteurs de céréales et non ceux dépendants des importations. Il ne saurait être un espace légitime et inclusif face à cette crise mondiale.
Pour contribuer à la vraie souveraineté alimentaire, énergétique et écologique de la France et de l’Europe, les rares avancées environnementales des politiques publiques européennes agricoles et alimentaires doivent être préservées et le plan de résilience prévu par le gouvernement doit être construit sur une vision de long terme en prenant en compte les intérêts des citoyens du monde entier.