En France, les espèces d’oiseaux qui ont le plus régressé ses vingt dernières années sont celles qui dépendent des milieux agricoles. De nombreuses études mettent en cause l’usage des pesticides dans l’effondrement de la biodiversité ordinaire de nos campagnes comme dans l’altération de la santé humaine, et notamment dans celle des agriculteurs tout particulièrement exposés.
En Europe, les populations d’oiseaux des zones agricoles ont chuté de 30 à 40 % en moyenne depuis les années 1980-1990.
Sur notre territoire, 13 des 20 espèces d’oiseaux qui ont le plus régressé ses vingt dernières années (avec une baisse plus de 50 % de leurs effectifs nicheurs), sont celles qui dépendent des milieux agricoles. Ainsi, la situation est particulièrement difficile pour le Bruant Proyer, qui a reculé de plus de 60 % entre 1982 et 2005, et l’outarde canepetière qui a subi un déclin de 90 % durant ces trente dernières années.
Une étude sur l'Alouette des champs de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) montre une corrélation particulièrement étroite entre l'intensification de la production agricole et la chute de cette espèce nicheuse.
En Angleterre, à la fin des années 1990, l’ornithologue Campbell a fait le lien entre la période de généralisation de l’emploi des herbicides (dans les années 1970-1980) et la chute des populations d’oiseaux de nos campagnes. Ces derniers sont, en effet, gravement affectés par la disparition progressive des plantes indigènes, elle-même causée par la chute du nombre d’insectes (abeilles) dont elles dépendent. L’usage des herbicides provoque ainsi une disparition en chaîne des espèces végétales et animales.
Les oiseaux peuvent aussi être empoisonnés, en ingérant des végétaux, des insectes ou de l’eau contaminée, des insecticides granulaires et des semences traitées aux pesticides, ou en consommant d’autres oiseaux ou des amphibiens intoxiqués.
Ainsi, les abeilles, sans qui de nombreuses espèces végétales ne seraient pas fécondées, présentent une santé fragile et leurs populations diminuent depuis une vingtaine d’années, alors qu’elles constituent un élément essentiel dans la chaîne interactive des écosystèmes.
Et Einstein aurait dit que «si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait plus que quatre ans à vivre ».
Une exposition aux pesticides peut avoir de graves conséquences sur la santé humaine : malformations à la naissance, cofacteur de la maladie de Parkinson voire de la maladie d’Alzheimer, excès de cas de cancers chez les agriculteurs exposés (prostate, lymphome, cerveau, estomac, leucémies, sein) et les enfants. Les liens entre une exposition aux pesticides et des lymphomes ont été scientifiquement établis en 2009. De fortes suspicions existent également pour le cancer de la prostate et d’autres cancers hormono-dépendants en forte progression.
L’exposition permanente sur des surfaces importantes à de faibles concentrations de polluants est bien plus redoutable que celle d’une intoxication accidentelle aiguë et massive. Ces polluants agissent silencieusement durant des années pour révéler leurs méfaits à long terme, sur les générations à venir.
Les 32 millions d’hectares de surfaces agricoles françaises ne sont cependant pas les seuls en cause. L’usage des pesticides doit également être réduit dans les espaces communaux, dans les jardins des particuliers et surtout dans l’habitat familial où ils ne se dégradent jamais.
La LPO s’implique déjà dans cette problématique, dans le cadre d’un programme expérimental initié avec des agriculteurs (2004-2009) et du programme Refuges, destiné notamment aux collectivités et aux particuliers.
Car, c’est à chacun de nous de réduire l’usage des pesticides pour sauvegarder la biodiversité et notre santé.
Allain Bougrain Dubourg
Président de la LPO
CONSEQUENCES DES PESTICIDES SUR LES OISEAUX...
Ils peuvent provoquer directement leur mort. Ainsi, l’insecticide monocrotophos a tué 20 000 Buses de Swainson dans la Pampa argentine en 1999, et plus de 10 000 Merles Américains dans deux champs de pommes de terre, en Floride. Aux Etats-Unis, dans les zones de grandes cultures de maïs, l’insecticide carbofuran provoquait la mort de 17 à 91 millions d’oiseaux par an. Le chiffre de la mortalité des oiseaux chanteurs retenu par David Pimentel était de 67 millions, soit 10% de leur population pour ce seul insecticide par an !!!
L’insecticide DDT, utilisé dans les années 1970, a causé une baisse du vol et du chant, une féminisation des mâles de certaines espèces (Goéland d’Audubon), un amincissement des coquilles d’œufs qui a bien failli faire disparaître de nombreuses espèces, en particulier de grands rapaces.
L’usage de certains fongicides entraîne des perturbations sur la reproduction des oiseaux, sur le fonctionnement endocrinien, engendre des taux d’éclosion plus faible et des moyennes de ponte amoindrie.
Les pesticides ont encore bien d’autres effets sur les oiseaux. Un oiseau intoxiqué perdra du poids, ce qui diminuera sa capacité de combattre d’autres stress, comme les intempéries. Il chantera moins et pourra moins attirer un partenaire et défendre son territoire. Il élèvera une famille plus restreinte, apportera moins de nourriture aux oisillons ou aura un comportement anormal avec son partenaire. Un oiseau affaibli sera également moins en mesure d’échapper à un prédateur ou de s’en défendre.
...ET LES ABEILLES
Différentes études menées par l'INRA depuis une dizaine d'années, montrent que les abeilles présentent des symptômes qui révèlent un état de santé fragile : malformations, troubles du système nerveux et du comportement, désorientation. Les insecticides de nouvelle génération (imidaclopride et fipronil) sont accusés de provoquer leur mort.
La biodiversité et la santé humaine sont donc particulièrement impactées par l’usage des pesticides sur les surfaces agricoles traditionnelles alors que l’agriculture biologique, qui n’utilise pas de produit toxique de synthèse, favorise la biodiversité. Les parcelles biologiques abritent deux fois plus de micro-organismes, trois fois plus de vers de terre, deux fois plus d’araignées et d’arthropodes qui s’attaquent aux ravageurs, et une densité de champignons formant symbiose avec les racines de
40 % supérieure. Il faut aussi saluer les efforts de l’agriculture intégrée et du Réseau d’Agriculture Durable qui diminuent drastiquement l’usage de ces poisons. Le développement de « l’agrologie » et « l’agro-écologie », formes d’agriculture sans labour par semis direct sous couvert végétal, qui, pratiquée sans pesticides, protègent et régénèrent la vie des sols où résident pas moins de 80 % de la biomasse des êtres vivants sur terre !